Préface de DEEP GREEN RESISTANCE





















Extraits de la préface de Deep Green Resistance  par Derrick Jensen,  pp.11-17.


Ce livre veut parler de riposte. La culture dominante – la civilisation – est en train de tuer la planète, et cela fait depuis longtemps qu'il est temps, pour ceux que la vie préoccupe, de commencer à agir pour stopper la destruction de tous les êtres vivants par cette culture.
A présent nous connaissons tous les statistiques et grandes prévisions : 90% des grands mammifères marins ont disparu, il y a dix fois plus de plastique que de phytoplancton dans les océans, 97% des forêts primaires sont détruites, 98% des prairies primaires sont détruites, la population des amphibiens s'effondre, la population des poissons s'effondre, etc. 200 espèces sont amenées à s'éteindre chaque jour, tous les jours.
Cette culture détruit les terres. C'est ce qu'elle fait. Quand vous pensez à l'Irak, est-ce que la première chose qui vous vient à l'esprit sont les forêts de cèdres si épaisses, que le soleil n'atteignait jamais le sol? Une des premiers écrits mythologiques est le Gilgamesh, où le héros éponyme déforeste les collines et vallées d'Irak pour construire une grande cité. La péninsule arabique était une immense savane de chênes. Le moyen orient était couvert de forêts (nous avons tous entendu parler des cèdres libanais). La Grèce était couverte de forêts. L’Afrique du Nord était couverte de forêts. Répétons-le : cette culture détruits les terres.
Et on ne va pas l'arrêter en le demandant aimablement.
Nous ne vivons pas dans une démocratie. Et avant que vous gueuliez au blasphème, posez-vous la question : est-ce que les gouvernements servent les entreprises ou les êtres vivants ? Est-ce que les systèmes judiciaires rendent les PDG responsables de leurs actions destructrices et meurtrières ?
(…)
Est-ce que le système judiciaire est le même pour les riches que pour nous ? Est-ce que la vie sur terre a plus de poids qu'une entreprise, devant un tribunal ?
Nous connaissons tous les réponses à ces questions.
Et nous savons au plus profond de nous, si ce n'est clairement, que cette culture ne va pas d'elle-même s'infliger un changement pour aller vers un mode de vie sensé et soutenable. Nous – Aric, Lierre et Derrick – avons demandé à des milliers et des milliers de personnes de tous styles de vie, des activistes aux étudiants que nous rencontrions dans les bus et les avions si cette culture allait opérer ce changement d'elle-même. Presque personne n'a dit oui.
Si la vie sur la planète vous préoccupe, et si vous croyez que cette culture ne cessera pas d'elle même de détruire, comment cette opinion affecte vos méthodes de résistance ?
La plupart des gens ne savent pas, parce que la plupart des gens n'en parlent pas. Ce livre en parle : ce livre parle de ce glissement vers une stratégie, des tactiques.
Ce livre parle de riposter.
(…)
Et que veut-on dire quand on parle de riposter. Comme nous allons le voir dans ce livre, cela veut dire d'abord et avant tout de penser et ressentir par nous-mêmes, de trouver qui et quoi nous aimons, et trouver le meilleur moyen de sauver ce qu'on aime, en employant tous les moyens nécessaires. La stratégie de Deep Green Resistance (DGR) commence en reconnaissant l'horreur de la situation que la civilisation industrielle a engendré sur la vie sur la planète. Le but de DGR est de déposséder le riche de son habilité à voler le pauvre, et de déposséder celui qui est au pouvoir de détruire la planète. Cela veut aussi dire défendre et reconstruire des communautés humaines justes et soutenables vivant au sein d'une terre. C'est une énorme tâche, mais ça peut se faire. On peut stopper la civilisation industrielle.
Les gens nous – les auteurs de ce livre, Aric, Lierre et Derrick – approchent souvent, et nous disent que leur espoir et leur désespoir ont fusionné en eux. Ils ne veulent plus faire  TOUT ce qu'ils peuvent pour protéger les places qu'ils aiment, ce TOUT qui est tout sauf la chose la plus importante : faire tomber la culture. Ils veulent prendre l'offensive. Ils veulent la stopper net. Mais ils ne savent pas comment.
Ce livre parle de créer une culture de résistance. Et ça parle de créer une réelle résistance. Ça parle de créer les conditions pour que les saumons soient capables de retourner chez eux, pour que les oiseaux migrateurs soient capables de retourner chez eux, pour que les amphibiens soient capables de retourner chez eux.
Ce livre parle de riposter. Et ce livre parle de gagner.
Les actions directes contre les infrastructures stratégiques est une tactique de base à la fois pour les insurgés et les militaires du monde entier, pour la simple raison que ça marche. Mais de telles actions si elles sont isolées ne formeront jamais une stratégie suffisante pour obtenir un bon résultat. Cela veut signifier que toute stratégie qui a pour but un futur plus juste doit contenir cet appel à construire des démocraties directes basées sur les droits humains et les cultures matérielles soutenables. Les différentes branches de ce mouvement de résistance doivent travailler en tandem : les airs et les souterrains, les militants et les non-violents, les activistes et les travailleurs culturels. Nous avons besoin de tout.
Et nous avons besoin de courage. Le mot « courage » a la même racine que cœur, le mot français. Nous avons besoin de tout le courage dont le cœur humain est capable, forgé dans le fer de l'arme et du bouclier pour défendre ce qu'il reste de la planète. Et le sang vital du courage est, bien sûr, l'amour.
Alors c'est un livre qui parle de riposter et qui parle finalement d'amour. Les oiseaux et les saumons ont besoin de votre cœur, même s'il est faible, parce qu'un cœur brisé est encore fait d'amour. Ils en ont besoin car ils sont en train de disparaître, de glisser dans la plus longue nuit de l'extinction, et que la résistance est nulle part en vue.
Nous avons encore à construire cette résistance avec tout ce qui nous tombe sous la main : les soupirs et les prières, l'histoire et les rêves, nos propos et nos actions les plus braves. Ce sera dur, cela aura un coût, et lors de bien des matins cela semblera impossible. Mais on doit le faire de toute façon. Alors ramassez votre cœur et rejoignez tous les êtres vivants. Avec l'amour pour Cause première, comment pouvons-nous échouer ?





Préface de Deep Green Resistance,  pp.11-17.
Par Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas).




0 Responses to “Préface de DEEP GREEN RESISTANCE”: